La lecture des listes d’ingrédients sur les emballages des produits alimentaires peut parfois être déconcertante. On y découvre des codes tels que E509 sur un bocal de cornichons, E224 sur un pot de moutarde, E338 sur une canette de cola, qui correspondent à des additifs alimentaires. Bien que largement utilisés dans l’industrie alimentaire, certains de ces additifs suscitent des préoccupations quant à leur impact sur la santé, et il est largement soupçonné qu’un mélange de ces substances puisse avoir des effets nocifs.
Qu’est-ce que les additifs alimentaires ?
Les additifs alimentaires sont des substances intentionnellement ajoutées aux aliments pour remplir diverses fonctions technologiques spécifiques. Ces substances, qu’elles soient chimiques ou naturelles, ne sont pas consommées en tant qu’aliments par elles-mêmes, mais sont incorporées à certaines denrées alimentaires pour diverses raisons. Elles peuvent servir à prolonger la durée de conservation des aliments (en tant que conservateurs), à améliorer leur apparence en jouant sur leur couleur (en tant que colorants et antioxydants), à rehausser leur saveur (en tant qu’exhausteurs de goût) ou à modifier leur texture (en tant qu’émulsifiants, stabilisants, gélifiants, etc.).
Les additifs alimentaires sont présents dans la plupart des aliments industriels et transformés, tels que les gâteaux, les biscuits sucrés ou salés, les plats préparés, les glaces, les viennoiseries et les pâtisseries industrielles, les desserts surgelés, les boissons sucrées, les bonbons, les chewing-gums, les dentifrices, les décorations de pâtisseries, et bien d’autres encore. En règle générale, plus un aliment est transformé ou préparé, plus il contient d’additifs.
Une étude parue en octobre 2021 dans la revue Science Reports a révélé que les Français consomment en moyenne 4 kg d’additifs alimentaires par an. Les chercheurs ont analysé l’exposition aux additifs de plus de 106 000 Français et ont conclu que la consommation moyenne était d’environ 155,5 mg d’additifs par jour par kilogramme de poids corporel. Cela équivaut à environ 9,33 grammes d’additifs par jour pour un Français de 60 kg, ou près de 11,7 g pour un Français de 75 kg. Les personnes consommant davantage d’aliments ultra-transformés en ingèrent encore plus, atteignant jusqu’à 25 g par jour, soit près de 10 kg par an en moyenne pour 5 % de la population étudiée.
Les risques potentiels des additifs alimentaires
Selon la réglementation européenne, un additif alimentaire ne peut être autorisé que s’il est jugé sûr pour la santé des consommateurs. En Europe, environ 320 additifs alimentaires sont actuellement autorisés dans les denrées alimentaires. Chacun de ces additifs est évalué par l’Autorité européenne de sécurité alimentaire (EFSA) et est identifié par un code commençant par la lettre « E » suivie d’un numéro spécifique.
Cependant, tous les additifs alimentaires ne sont pas créés égaux. Certaines études scientifiques ont soulevé des préoccupations quant aux effets néfastes de certains additifs sur la santé humaine, bien que tous ne présentent pas nécessairement les mêmes risques. Par exemple, une étude publiée en septembre 2023 dans le British Medical Journal a lié les émulsifiants à un risque accru de maladies cardiovasculaires, en particulier les émulsifiants E460 (cellulose microcristalline) et E466 (carboxyméthylcellulose), ainsi que les E471, E472 et E339.
Un autre exemple concerne le dioxyde de titane (E171), un colorant utilisé comme agent blanchissant et opacifiant. Des études sur des animaux ont montré qu’une exposition à des nanoparticules de E171 entraînait une altération de la fonction immunitaire intestinale et la formation de lésions précancéreuses du côlon. Bien que ces résultats soient préoccupants, il est actuellement difficile de transposer ces conclusions aux humains. En mai 2021, l’EFSA a déclaré que le dioxyde de titane ne pouvait plus être considéré comme sûr en tant qu’additif alimentaire, ce qui a conduit à son interdiction progressive dans l’Union européenne.
Les émulsifiants E466 et E433 : à éviter ?
Les émulsifiants sont des additifs alimentaires qui améliorent la texture des produits transformés et prolongent leur durée de conservation. Deux émulsifiants en particulier, la carboxyméthylcellulose (E466) et le polysorbate 80 (E433), ont suscité des inquiétudes en raison de leur possible association avec des maladies inflammatoires chroniques de l’intestin, telles que la maladie de Crohn ou la rectocolite hémorragique.
Des études ont montré que ces deux émulsifiants pouvaient favoriser une inflammation aiguë de l’intestin chez des souris non génétiquement prédisposées, ainsi que des dérégulations métaboliques comme le diabète de type 2 et l’obésité. Chez les souris génétiquement prédisposées, ces émulsifiants ont exacerbé la maladie inflammatoire de l’intestin. Il est intéressant de noter une corrélation entre l’augmentation de la fréquence de ces maladies dans les pays industrialisés depuis le milieu du XXe siècle et l’ajout d’émulsifiants dans les aliments transformés.
Bien que l’EFSA considère que ces émulsifiants ne présentent pas de danger particulier et qu’il n’existe pas de limites strictes pour leur utilisation, il est important de noter qu’ils sont interdits dans les produits alimentaires labellisés biologiques.
Les nitrates et nitrites dans les viandes : un potentiel cancérogène
Les nitrates et les nitrites sont des additifs ajoutés aux viandes pour les conserver plus longtemps, préserver leur couleur rouge et limiter la prolifération de
bactéries nuisibles. Cependant, le problème ne réside pas tant dans les nitrates et les nitrites eux-mêmes que dans leur réaction avec le fer héminique présent dans les charcuteries.
Cette réaction forme un complexe très stable appelé hème nitrosylé, qui est à l’origine de la couleur rose des charcuteries traitées, mais qui est également soupçonné de provoquer des mutations de l’ADN au contact de la muqueuse digestive. Bien que les nitrates et les nitrites soient classés comme cancérogènes probables (catégorie 2A) par l’Organisation mondiale de la santé, les charcuteries sont classées comme cancérogènes avérées (catégorie 1) car environ 80 % d’entre elles sont traitées avec ces additifs.
L’EFSA a jusqu’à présent conclu que les niveaux de nitrates et de nitrites réglementés dans l’alimentation ne posent pas de problème de santé. Cependant, l’Agence nationale française de sécurité sanitaire de l’alimentation (ANSES) a été saisie pour donner un nouvel avis sur les risques associés à ces additifs.
En avril 2023, l’Assemblée nationale française a voté contre l’interdiction des nitrites dans la charcuterie à partir de 2024, ce qui signifie que ces additifs restent autorisés en France. Cependant, une dose maximale de 150 mg de nitrites par kilogramme de charcuterie a été établie par la réglementation européenne. Le nitrate n’est autorisé que dans les produits non cuits à la dose de 150 mg/kg (250 mg/kg pour certaines spécialités traditionnelles).
Autres additifs alimentaires préoccupants
Outre les exemples précédemment mentionnés, d’autres additifs alimentaires soulèvent des inquiétudes quant à leur impact sur la santé. Parmi eux :
– **E102, E104, E110, E112, E124, E129 (colorants)** : Ces additifs, bien qu’autorisés, ont été associés à des effets indésirables sur la capacité d’attention des enfants et pourraient favoriser l’hyperactivité ou les troubles du comportement chez certains d’entre eux. Les produits contenant E110 doivent porter la mention : « E110 : peut avoir des effets indésirables sur l’activité et l’attention chez les enfants », selon la loi européenne.
– **E150d (caramel colorant)** : Le E150d est suspecté d’être cancérogène en raison de la présence de 4-MEI, un composant issu du processus de production des caramels colorants.
– **E223 (disulfite de sodium)** : Cet additif, utilisé comme conservateur et agent de blanchiment, présente un risque d’intolérance ou d’allergie, en particulier chez les individus asthmatiques.
– **E300 (acide ascorbique)** : Bien que les données disponibles soient généralement rassurantes quant à son utilisation, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation (Anses) indique depuis 2021 l’existence de données expérimentales pouvant suggérer des effets sur le système endocrinien, bien que des effets indésirables potentiels restent à déterminer.
– **E320 (butylhydroxyanisole)** : Cet antioxydant de synthèse a été classé « cancérogène possible pour les humains » par le Centre International de Recherche sur le Cancer (CIRC) et l’Organisation mondiale de la santé (OMS).
– **Glutamate monosodique (E621)** : Cet exhausteur de goût, bien que largement utilisé, a été associé à une résistance à l’hormone leptine, à des perturbations pancréatiques et à un risque accru de diabète de type 2. Bien que la FDA considère que l’apport quotidien total en glutamate ne représente pas de risque pour la santé, il est recommandé de limiter sa consommation.
Les additifs alimentaires sans danger
Heureusement, de nombreux additifs alimentaires sont considérés comme sans danger lorsqu’ils sont consommés dans le cadre des doses journalières recommandées (AJR). Parmi ces additifs sans risques connus, on trouve :
– **E141, E160, E200, E316 (antioxydants)** : Ces antioxydants, tels que l’acide ascorbique (E300), l’acide citrique (E330) et la vitamine E (E306), sont considérés comme sûrs dans les doses recommandées.
– **E100, E101, E140, E153, E160a, E160b, E160d, E161b, E162, E163, E170 (colorants)** : Ces colorants, d’origine naturelle ou synthétique, sont sans danger dans les quantités autorisées.
– **E200, E201, E202, E203, E400 à E414 (émulsifiants, stabilisants, gélifiants)** : De nombreux additifs de cette catégorie sont considérés comme sûrs dans le cadre des AJR.
En conclusion, les additifs alimentaires sont un élément courant de l’industrie alimentaire, mais leur sécurité varie en fonction de leur type et de leur utilisation. Il est essentiel pour les consommateurs de rester informés des additifs alimentaires utilisés dans les produits qu’ils achètent et de prendre des décisions éclairées en matière d’alimentation. Si vous avez des préoccupations concernant les additifs alimentaires, il est recommandé de consulter un professionnel de la santé ou de privilégier des produits alimentaires naturels et non transformés dans la mesure du possible.