Inquiétudes croissantes face aux pénuries de médicaments : une situation préoccupante pour pharmaciens et patients
L’augmentation des ruptures et des tensions d’approvisionnement de nombreux médicaments suscite des inquiétudes parmi les pharmaciens et les patients. Cette crise touche de nombreuses familles de médicaments, allant des antibiotiques aux antalgiques en passant par certains traitements anticancéreux. Avec l’approche de l’automne et la hausse prévisible de la demande en antibiotiques, les préoccupations ne font que croître.
Chaque jour ressemble au précédent dans les pharmacies où de nombreux médicaments manquent à l’appel, créant une galère quotidienne. Les termes « rupture de stock » et « tensions d’approvisionnement » sont monnaie courante, avec l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) alertant presque quotidiennement sur les médicaments introuvables.
La liste des médicaments en pénurie est en constante évolution, touchant des médicaments allant du traitement des petits maux du quotidien à ceux des affections chroniques et des maladies graves.
« Anticancéreux, antibiotiques, corticoïdes… La liste est sans fin »
Quels médicaments sont indisponibles ? « Il est impossible de vous répondre, cela prendrait des heures », explique Pierre-Olivier Variot, pharmacien et président de l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO). Il y a des ruptures persistantes, notamment dans les antibiotiques et les corticoïdes, ainsi que des ruptures et des tensions plus aléatoires touchant les anticancéreux, les antalgiques, l’insuline, les antihypertenseurs, et bien d’autres encore : la liste est interminable, comprenant des milliers de références.
Cette situation engendre du stress non seulement pour les pharmaciens, mais surtout pour les patients qui sont de plus en plus confrontés à ces pénuries. « C’est très difficile de dire à un patient : « ce mois-ci, nous avons votre traitement anticancéreux, mais nous ne pouvons pas garantir que nous l’aurons le mois prochain ». C’est terrible, et ce n’est pas normal », déplore Pierre-Olivier Variot.
Pour faire face à cette situation, les pharmaciens s’organisent comme ils le peuvent. Ils collaborent avec leurs confrères les plus proches et parfois anticipent les commandes avant la fin d’une ordonnance d’un patient pour répondre à ses besoins lorsque son traitement est renouvelé, mais cela ne fonctionne pas toujours.
Craintes pour la saison des virus
Avec l’arrivée de l’automne et les maladies saisonnières qui l’accompagnent, les tensions concernant les antibiotiques devraient devenir particulièrement problématiques. Aujourd’hui, « les antibiotiques sont toujours en rupture », déplore le pharmacien.
Plus précisément, l’ANSM a signalé en début de juillet des tensions d’approvisionnement pour l’« Amoxicilline/Acide Clavulanique » et « Augmentin » sous « toutes formes orales, tous dosages », ainsi que pour l’« Amoxicilline-Clamoxyl », également sous « toutes formes orales, tous dosages ». Actuellement, les suspensions buvables en flacon sont les plus touchées, principalement prescrites en ville chez les enfants. L’ANSM s’efforce de sécuriser au mieux la situation.
Cependant, la demande dépasse largement l’offre, car l’Amoxicilline est le traitement de référence pour de nombreuses infections chez les adultes et les enfants. L’ANSM rappelle que « les antibiotiques sont inefficaces contre les infections virales telles que les bronchiolites, la grippe, le Covid-19, les rhinopharyngites et la grande majorité des angines et des otites ».
Un plan blanc en attente
Les pénuries de médicaments constituent avant tout un problème à long terme qui préoccupe les pharmaciens. « Nous avons régulièrement des réunions avec le ministère de la Santé et l’ANSM, mais la problématique s’aggrave et il n’y a pas encore de solutions claires », observe Pierre-Olivier Variot. On nous demande de signaler les ruptures et les tensions, ce que nous faisons, mais nous aimerions également savoir comment les prévenir. Nous attendons toujours le grand plan blanc du médicament que François Braun devait nous présenter. Entre-temps, il y a eu un changement de ministre de la Santé ».
Pour éviter de se retrouver en manque d’antibiotiques une fois l’hiver arrivé, le nouveau ministre, Aurélien Rousseau, a annoncé le 27 août une augmentation de 10 % du prix de l’Amoxicilline à partir du 1er octobre. Cette mesure vise à inciter les laboratoires à produire davantage et à garantir les approvisionnements. Cependant, l’Observatoire de la transparence dans les politiques du médicament a condamné cette annonce, estimant que « le gouvernement fait payer à la population son incapacité à régler les pénuries de médicaments ».
Face à ce problème récurrent, une mission interministérielle lancée par Matignon en janvier a appelé fin août à un « New Deal » impliquant l’ensemble de la chaîne, des industriels aux patients, et comprenant une refonte du système de régulation, des engagements des industriels, ainsi qu’une meilleure maîtrise des volumes.