Une molécule bien connue dans d’autres usages médicaux
L’oxybate de sodium est une molécule qui agit sur le système nerveux central, en se liant aux récepteurs du GABA*, un neurotransmetteur qui régule l’activité cérébrale. En ralentissant cette activité, l’oxybate produit un effet sédatif puissant. En France, cette substance est déjà utilisée à l’hôpital, mais uniquement pour des indications précises : le traitement de la narcolepsie sous forme de solution buvable fortement dosée (Xyrem 500 mg/ml), ou en anesthésie via une forme injectable (Gamma OH 200 mg/ml).
*Les récepteurs GABA sont des protéines situées sur les neurones, activées par le GABA, un neurotransmetteur qui ralentit l’activité du cerveau. Ils jouent un rôle clé dans la relaxation, le sommeil et la réduction de l’anxiété. Des substances comme l’alcool, les somnifères ou l’oxybate de sodium agissent sur ces récepteurs pour produire un effet calmant.
La narcolepsie : une pathologie rare et handicapante
La narcolepsie est une maladie neurologique chronique caractérisée par des accès irrépressibles de sommeil au cours de la journée, souvent accompagnés de cataplexie (perte soudaine du tonus musculaire). Elle résulte d’un dysfonctionnement des systèmes régulateurs du sommeil. L’oxybate de sodium y est indiqué car il permet de stabiliser le sommeil nocturne et de réduire la fréquence des crises de cataplexie. En agissant sur les récepteurs GABA, il restaure une certaine régularité du cycle veille-sommeil.
Un usage en expansion dans le sevrage alcoolique à l’étranger
Dans des pays comme l’Autriche et l’Italie, l’oxybate de sodium est déjà prescrit dans le traitement du syndrome de sevrage alcoolique, notamment sous forme de sirop dosé à 175 mg/ml. L’objectif est double : soulager les symptômes du sevrage (anxiété, agitation, insomnie) et prévenir les rechutes en maintenant l’abstinence. L’oxybate agit sur les mêmes circuits cérébraux que l’alcool, ce qui en fait un substitut pharmacologique potentiellement efficace.
Des réserves importantes en France
Une demande d’autorisation de mise sur le marché a récemment été déposée en France pour une version générique de l’oxybate destinée au sevrage alcoolique. Mais l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) a exprimé des doutes. D’abord sur l’efficacité du traitement pour maintenir durablement l’abstinence chez les patients alcoolodépendants. Ensuite, sur les risques associés à son usage, notamment le potentiel d’abus ou de mésusage en raison de ses effets psychoactifs.
L’Europe s’empare du dossier
Face à ces réserves, le dossier a été transmis à l’Agence européenne des médicaments (EMA). Celle-ci doit désormais réévaluer le rapport bénéfice/risque de l’oxybate de sodium dans cette indication. L’EMA analysera également les dispositifs de sécurité proposés pour limiter les dérives possibles, avant de statuer sur une éventuelle autorisation ou sur des restrictions réglementaires renforcées.
Un traitement à manier avec prudence
Si l’oxybate de sodium montre un potentiel thérapeutique pour accompagner le sevrage alcoolique, son encadrement strict reste essentiel. Son profil pharmacologique proche de celui de substances addictives impose une vigilance particulière. Toute décision d’élargissement de son usage devra donc s’appuyer sur des preuves robustes et des garanties en matière de sécurité.